Sans concession.
4h23 … !!! N’ayons pas peur des mots, ce chrono est au delà de mes espérances. Je ne l’ai pas rêvé, encore moins espéré, mais il faut se rendre à l’évidence. Il s’est imposé à moi au fil des kilomètres.
J’entends déjà les donneurs de leçons, les « c’était couru d’avance » , « pour qui se prend t-il le gros (IMC >30) ? »
Si vous saviez comme je n’ai que faire de vos sarcasmes… je revis et le reste n’a que peu d’importance.
Évidement, j’aurai pu choisir une allure de sénateur, de gros bedonants …Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. J’avais envie de ce défi !!
Pour moi, le sport a toujours été un champs d’expérimentation, un espace de liberté où chacun peut s’exprimer selon ses envies, ses qualités.
Je bénis ces derniers mois partagés avec ma blondinette … Nous revenons du diable vauvert, nous nous sommes régalés de nos sorties … Et si demain, je suis grand-père, j’ai collectionné suffisamment d’anecdotes pour bercer et même gaver mes petits enfants.
Vous l’avez deviné, je cours pour me sentir vivant.
Un jour le ch’ti grincheux m’avait laissé un commentaire qui reste gravé dans le peu de cellules grises que la nature m’a donné : « J’aime la cueillette des fruits sur leur arbre, mais je choisis toujours le plus haut. »
Tu as raison Philippe, comme souvent, tes citations sonnent justes !! J’aime ce fruit bien haut mais pas forcement pour sa saveur.
J’aime surtout à penser que l’ascension restera un souvenir impérissable. Peu importe le goût de ce fruit convoité, c’est le chemin emprunté qui me fascine.
Suivre le ballon des 3h30 pourrait donc paraître ambitieux, suicidaire même .Mais voilà, ce que vous ne savez peut-être pas c’est que j’ai bossé pour espérer un chrono aux alentours de 3h35. Et en l’espace de deux mois, j’ai banalisé cette allure de 12 km/h.
Mes chronos sont bons, et me laisse espérer.
Pourtant, j’ai foiré ma course, la confiance qui m’habitait, s’est envolée la semaine précédente du marathon. Je me suis mis à douter, à cauchemarder même.
8h45 et des poussières, le départ est donné. Les ballons sont à portée de fusils. Je sais qu’ils sont plus rapides que moi, mais ils vont me permettre de rentrer dans la course, d’éviter les conneries. Ces gars sont « la peste », ils sont plus rapides que moi, je dois les suivre à distance mais jamais les côtoyer.
24’48’’ au 5ème kilomètre. C’est conforme aux prévisions mais étrangement je n’ai pas de sensations, pas d’étincelle … Vous savez le petit truc qui fait que …
10ème kilomètre : 50’01’’. Les ballons naviguent encore devant nous, je suis entouré de poissons suiveurs, cherchant leurs foulées idéales.
La mienne tarde à venir, je reste patient mais je commence à m’inquiéter. L’atmosphère est lourde, pesante, une moiteur nous envahit … je bois régulièrement, avale un gel … et je doute.
Nous traversons Aucamville direction St Alban, je redoutais ce tronçon, annoncé comme ‘industriel’ avec peu d’intérêt pour les yeux. Pourtant le parcours ne me gêne pas. J’apprécie le public venu en nombre malgré la bruine.
Le semi se situe aux alentours de Launaget. J’ai réduit la voilure depuis quelques temps, je recherche des impressions positives, celles qui m’ont habité pendant de longues semaines. Je commence à désespérer. Les 1h49 au semi ne me consolent à peine.
J’aperçois Muriel, la femme de François, le premier visage connu, et je lui fais comprendre que je suis résigné. J’aurais tant aimé prolonger la bonne ambiance de la veille à la « pate folle »
L’envie d’abandonner m’habite, je lutte. Je dois faire bonne « figure » auprès de Virgine. Je ne devrais pas tarder à la rencontrer, elle attend Sandrine pour boucler la fin du marathon en sa compagnie. Je sais que Sandrine peut terminer en 4h30 et je m’interdis de la voir sur le parcours. Allez Domi, Vamos !!!
Je demande à Virgine de garder le secret. Je ne suis pas bien, mais ma blondinette ne doit rien savoir. Elle ne doit se préoccuper que de sa course, pas de mes mes états d’âme.
Bon an, mal an, j’atteins enfin le 30ème kilomètre. Machinalement, je beeppe encore tous mes passages de kilomètre, mais il y a bien longtemps que le chrono ne m’intéresse plus. Je suis en dehors de la course et cherche toutes les raisons pour continuer.
Chaque passage devant une bouche de métro, un arrêt de bus est un calvaire. Se persuader de continuer encore
J’aperçois Vincent Toumazou (meneur allure 4heures ) approcher d’un ravitaillement, son groupe à fière allure. Il distille ses conseils : mangez buvez on ne s’attarde pas pour repartir très vite.
Je me fais tout petit et n’ose l’interpeller. J’ai la chance de ne pas être du même coté du ravitaillement, je n’aurais pas aimé qu’il m’invite à les suivre. Je suis en proie avec mes doutes et je préfère rester seul pour l’instant.
Je passe enfin près de la gare de Matabiau, là où pour moi la course devait commencer. Je m’étais promis d’affronter ces 10 derniers kilomètres en guerrier, de livrer une véritable bataille contre la montre où je ne lâcherai rien ou pas grand chose.
P’tain, la gueule du combattant. 10 bornes en marchant, c’est 2 heures. Alors que fais-je ? j’abandonne de suite ou je me bouge maintenant !! Décide toi Domi.
C’était sans compter sur l’aide providentielle de Romain (alias Grumlie). Il est là, planté au milieu de l’avenue, discret comme la veille. Il me fait la surprise de m’attendre, transi de froid sous la bruine incessante,j’en suis presque gêné.
Pendant quelques kilomètres il va me relancer, m’inviter à continuer d’une façon remarquable et d’une incroyable classe. Je ne suis pas bavard, surtout abattu, j’ai mal partout.
Romain n’est pas plus loquace et pourtant. Pendant ces kilomètres, il m’a fait croire que j’allais plus vite que lui. Dès que je courais, il se glissait dans ma foulée, comme si j’étais le meneur d’allure, je pensais même parfois, l’avoir semé tant il était discret. Dès que je marchais, il surgissait de nulle part, se plaçait devant moi, marchait, trottinait, puis courait, je ne pouvais que le suivre. Quelle leçon !!! Tu as été incroyable.
N’allez pas croire que nous atteignons des vitesses vertigineuses, mais ce duo progresse, je sais désormais que je bouclerai le marathon.
Nos routes se séparent aux abords d’un ravitaillement, je ne sais plus si j’ai pris le temps de te remercier. Merci Romain, tu es quelqu’un de formidable et j’espère que nos routes se recroiseront rapidement.
Il ne me reste qu’à savourer ces derniers kilomètres. Je me mets à espérer d’être rejoint par ma douce. Elle doit être lancée vers les 4h30, j’en suis sûr. J’aimerai que son sourire vienne, éclairer ce dernier tronçon. J’aimerais la voir franchir l’arrivée, rayonnante. Je cours donc, mais sans trop, je profite de ces instants, l’esprit enfin libéré. Je discute avec quelques bénévoles, les remercie de leur patience, de leur sourire, de leurs encouragements. Le temps n’a plus d’importance. L’un deux me confie, sans vouloir m’offenser, que je ne ressemble pas trop au premier coureur, il le trouvait bien maigrichon ?! je lui réponds que c’est certainement pour cela que nous avons deux heures d’écart. Il me souhaite bonne route, l’arrivée est proche.
L’ambiance se fait plus intense, les spectateurs sont encore massés en nombre et nous encouragent. C’est au son des percussions que je franchis enfin la ligne d’arrivée.
J’avais rêvé d’une autre fin sur cette fameuse place du Capitole, là où les toulousains viennent fêter le bouclier de Brennus.
Je guette alors ma blonde, elle ne devrait pas tarder.
On m’ôte la puce, me récompense d’une médaille, d’un sandwich, d’une boisson. J’apprécie l’humour de deux coureurs qui remontent notre file à contre sens. « Nous sommes des saumons, on remonte le courant pour se reproduire ».
Beaucoup se félicitent, se congratulent, il y a beaucoup de joie derrière ces 42 kilomètres 195 Quant à moi, je ne suis ni triste, ni heureux, à peine déçu. J’aimerais maintenant que Sandrine franchisse la ligne, et la récompenser ainsi de tous ses progrès accomplis ces derniers temps.
Si vous avez lu son récit, vous connaissez la suite. Elle a contenu ses larmes avant de me sauter au cou. J’ai deviné à cette petite moue qu’elle avait abandonné, que la blessure était revenue …
Tant pis, ce sera pour une prochaine fois. Nous reviendrons à Toulouse.
Merci à nos hôtes.
Merci à tous pour votre soutien
Merci aux bénévoles et aux toulousains venus nombreux nous encourager.
Merci de cette ambiance d’avant et d’après la course,que nous affectionnons tant.
Et quoiqu’il en soit ce marathon restera un bon souvenir.
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