Paulille ou l’avenir d’une mémoire...
Niché entre deux criques aux eaux turquoise, à l’abri des regards indiscrets, le site de Paulille, à quelques encablures de Banyuls, est l’écrin protégé d’une mémoire régionale...
Là où auraient dû fleurir une gigantesque marina, des immeubles sans âme, des dortoirs pour touristes en masse, la protection du littoral a fait un travail exceptionnel en restaurant cette ancienne usine de dynamite qui fit les beaux jours de l’artillerie et des explosions en tous genres..
Une végétation luxuriante, un parc admirable, des bâtiments rénovés aux façades ornées de photos d’époque, font de cet ensemble un bel hommage à tous ces hommes qui venaient "jouer" avec la poudre sans jamais avoir obtenu le prix Nobel !!
Arboré, aménagé, on en oublie l’usine pour découvrir au hasard du chemin des palmiers, une fontaine, un jardin fleuri... | |
La tour de la vigie offre un panorama sur ce décor féérique... | |
Les superbes allées sont cimentées, mais d’un ciment lisse et imprimé, reproduisant le dessin des aiguilles de pins amassées sur le sol, des herbes et des plantes présentes sur le site... |
Tout est raffiné et parfaitement intégré au cadre naturel ...
Pourtant, l’âme de ces ouvriers plane encore ici.
Cette usine était devenu un petit village complètement indépendant, une sorte de "laboratoire social" avec ses logements, son école, et même son église !!
Paulilles a connu ses joies, ses mariages, ses naissances, mais aussi ses drames, les décès accidentels, les explosions, les maladies.
La main d’œuvre était française, mais aussi Espagnole ou même "Indochinoise" durant la première guerre mondiale pour pallier le manque d’effectifs !!
Ces hommes étaient avant tout viticulteurs ou pêcheurs, mais ils ont très vite compris les bénéfices financiers et sociaux qu’ils pouvaient tirer de leur travail à l’usine, sans, toutefois, délaisser leur mode de vie agricole.
Les portraits photographiés de ces hommes, ces enfants, ces femmes, couvre la totalité de certains murs, l’image en noir et blanc renvoie cette nostalgie du passé.
On imagine l’ambiance de ces années de début de siècle, le rythme effréné de l’usine, les risques du métier, mais aussi les rires des ouvriers, les jeux des enfants, le dévouement de ces femmes...
Ce site, maritime, était idéal pour la manipulation de la poudre,
isolé des habitations extérieures en cas d’explosion, proche de l’eau pour les nettoyages de la nitroglycérine, et à proximité d’un port ouvert sur la Méditerranée, atout non négligeable.
"Ce sont ainsi cinq générations de Catalans qui vont se succéder sur ce site industriel dédié à la fabrication de la dynamite.
La dynamiterie emploie rapidement 300 à 400 personnes.
En 1960, l’usine produit 20 tonnes de dynamite par jour, approvisionnant les plus grands chantiers du siècle comme le canal de Panama, la base spatiale de Kourou, le site de tirs de Mururoa ou encore le port de Fos sur mer.
Tout le long du processus de fabrication, c’est une véritable chaîne humaine qui se met en place : chimistes, nitreurs, pétrisseurs, encartoucheuses, paraffineurs...
Des explosions vont malheureusement endeuiller Paulilles, causant une trentaine d’accidents mortels.
Mais, plus grave, le contact avec la matière à longueur de journées dégrade la santé des ouvriers et des ouvrières qui se mettent à souffrir de maux de tête violents, de nausées, de malaises et surtout d’une forte dépendance.
Ces maux ne seront reconnus comme maladies professionnelles qu’en 1981, après avoir fait plusieurs dizaines de victimes.
A partir des années 1970, le marché de la dynamite est en baisse et l’usine voit sa production décroître progressivement.
En 1984, la Société nationale des poudres et explosifs ferme le site de Paulilles et celui-ci ne tarde pas à susciter de nombreuses convoitises....
En effet, les terrains sont rachetés en 1989 par un promoteur, pour un coût de 4,2 millions d’euros, dans le but d’y édifier un complexe immobilier pharaonique : Port-Méry, une marina englobant un port de 500 anneaux.
Ce projet ne verra heureusement pas le jour grâce à une forte mobilisation locale !"
Lors de notre visite de ce site, nous avons vraiment apprécié la beauté du cadre, mais aussi le respect envers toute cette histoire liée à la dynamiterie...
C’est un petit havre de paix, un peu enchanteur, je n’ose imaginer si Port-Méry avait vu le jour en ces lieux chargés de souvenirs....
La mémoire aurait peu à peu oublié ces ouvriers, le béton aurait recouvert la grande halle.
C’est encore un morceau de notre patrimoine sauvé de la folie immobilière, un mégalo aurait donné son nom pour un ensemble à la laideur certaine !!
Paulille restera désormais l’avenir d’une mémoire.
Les photos ne jauniront pas sur les murs des bâtiments rénovés, ces visages figés raconteront leur histoire à ces touristes curieux, et feront encore parler la poudre ...
Croyez-nous, si vous passez par Banyuls, faites le détour ...
Paulille....C’est de la dynamite !!!
(je sais, j’ai osé !!....)
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