Au pays de la Circadie
Circadien : Qui suit un rythme biologique de 24 heures
Le coaching est un accompagnement personnalisé permettant d’obtenir des résultats concrets et mesurables dans la vie professionnelle et/ou personnelle.
Que l’on soit coureur, ou simple observateur comme moi, on ne revient jamais indifférent d’un séjour en Circadie
Les plus expérimentés vous diront que c’est un beau pays où l’aventure y est belle, fabuleuse. D’autres vous affirmeront le contraire. C’est un enfer aux infrastructures minimalistes. Un coin chauffé, un éclairage, et un parcours qui se transforme par une longue quête aux paysages parfois monotones.
Une boucle interminable, souvent déserte à parcourir une fois, puis deux, et ainsi de suite jusqu’à plus soif ou à l’épuisement du sablier. 6 heures, 12 heures, 24 heures, les fidèles choisiront leur format.
Comme dans chaque pays, la Circadie est sensible aux conditions climatiques, quand le vent s’y engouffre, vous y glace les os, elle devient alors une contrée hostile où seuls les adeptes du « toujours plus » y résistent, forcent le respect et l’admiration.
Les 24 heures de Marignane ne dérogent pas à la règle. Jean-Louis et son équipe avaient concocté une boucle de 1280 mètres, une succession de sol aussi divers que de la piste, du chemin, de la pelouse, de la terre, …Un mélange obligeant la plus grande vigilance.
Cette boucle avait du mal à se décider, hésitant à contourner les terrains de football, ou les empruntant pour offrir une trace directe, un raccourci qui n’existe pas.
Vendredi 18 heures. Les courageux se rassemblent près de la ligne de départ. L’excitation est certaine, sûrement l’envie de s’élancer ou de se réchauffer tout simplement.
Le départ est donné, dès lors, à chacun sa stratégie.
La virile, la guerrière, pas de repos, pas de pose. Avancer, toujours et encore, pas après pas, mètre après mètre, tour après tour. Enfermés dans leur bulle, ils défieront au fil du temps les lois de la résistance et du courage.
_ Le contraste est saisissant avec La tranquille. Je marche et papote avec ma copine. Je vais me coucher quand le froid est trop vif. Je reprends au petit matin après une nuit passée dans un vestiaire surchauffé. Je souris, j’encourage, je profite de l’instant.
Il existe bien entendu, quelques alternatives dont la Dandy attitude, celle de mon Bernard que je dois surveiller.
C’est la doctrine de l’élégance, de la finesse, de la maîtrise. Bernard est un méticuleux (certainement trop parfois).
Rien n’est laissé au hasard, à l’improvisation.
En tant que coach, je dois veiller à sa vitesse, son alimentation, lui ôter toutes les préoccupations qui pourraient gêner sa progression.
Je connais ses allures, les dosages en apports glucidiques. Tout est noté, annoté, même les petites cuillères sont identifiées à leur usage.
Il passe un peu trop rapidement dès la première boucle mais il ne lui suffira que de quelques tours pour prendre son allure de croisière. Le manège est en route.
A chaque passage, je note le temps, propose un bidon et consigne ce qui a été bu. Plus tard, je serai plus directif notamment avec l’alimentation en imposant lui des prises d’énergie. Le froid est intense et le corps doit aussi lutter contre ses agressions.
J’ai trouvé un petit local idéal à peine chauffé pour patienter. A l’abri du vent, un œil sur le chrono, je veille sur mon coureur et encourage les autres quand je le peux. 8 minutes par tour, c’est beaucoup et peu à la fois.
Le vent n’a pas cessé et semble maintenant vouloir pénétrer dans mon refuge. J’ai du mal à résister. Je préviens Bernard que les dosages sont prêts pour la nuit et que je dois me reposer, tenter de me réchauffer.
J’ai un peu de scrupules à le quitter, il n’est qu’une heure du matin, mais les conditions sont extrêmes pour les coureurs, pour les bénévoles et les supporters.
7 heures du matin. Je n’ose annoncer que j’ai bien dormi. Le confort était précaire parmi les ronfleurs du vestiaire, mais la chaleur fût bienfaitrice.
Je constate avec plaisir que Bernard est toujours en piste, il continue sur un tempo de 10 minutes au tour, le même lorsque je l’avais quitté 6 heures plus tôt.
J’entame un petit tour en sa compagnie pour prendre de ses nouvelles "fraiches". La nuit fût terrible, glaciale. Il m’apprend qu’il n’était pas au mieux aux alentours de 4 heures du matin.
Je le rassure en lui indiquant qu’il possède 10 tours d’avance sur son poursuivant, que le jour va se lever, que l’on peut aussi espérer une hausse des températures. Le contexte sera assurément plus favorable. De plus, les départs du 12 heures, et du 6 heures devraient aussi amener un peu plus de vie sur le circuit et briser ce sentiment de solitude .
On ne lâche rien , Bernard !!!
Pour l’instant il survole cette course, c’est un véritable métronome. Le style Dandy est toujours maîtrisé. Il court avec style et détermination, le spectacle est fascinant. Si des moments difficiles existent, ils sont cachés, enfuis derrière une carapace et une alternance de course et de marche encore très alerte.
Seul le chrono permet de déceler les faiblesses. La vitesse est plus faible depuis quelques tours et tranche avec celle de ses poursuivants plus en forme à ce moment de la journée. Il reste un peu plus de 6 heures de course, je dois intervenir, inventer je ne sais quoi ? (en tout cas, je suis censé le faire).
Deux solutions s’offrent à moi, faire un croche-pied à chacun des coureurs, ou provoquer un électrochoc chez Bernard. Titiller son envie de se surpasser, de surmonter cet instant délicat.
Je profite de l’accompagner un tour, pour essayer de comprendre le problème et lui soumettre une solution.
Il faut dégripper la machine. Cours Bernard, Cours maintenant pour être tranquille ensuite.
S’enfermer dans un rythme de marche maintenant, c’est donner confiance aux adverses, c’est s’enlever tes chances de pouvoir courir plus tard et de livrer bataille s’il le faut.
Cours Bernard, Maintenant !! Pour te réchauffer, et asseoir définitivement ta suprématie sur cette course !!!
Le bras de fer, c’est de suite !!
Je vais courir près de lui pendant une heure, imposant le rythme, surveillant les pulsations, les sensations. Deux tours en alternant de la course et de la marche donnent le droit à un tour tranquille. C’est le deal !!
La machine semble enfin repartir. Il reste maintenant 5 heures de course et la négociation fût âpre sur la stratégie à suivre.
Du panache, Bernard !! Montre que t’es le plus fort ! Tu es capable de faire plus et de ne pas te contenter de cette victoire qui semble t’être promise.
Je n’ai pas été un coach suffisamment persuasif, mais je suis tout heureux d’avoir pu arracher un compromis de 5 tours par heure qui le mèneront à la victoire.
Samedi 18 heures. 191,3 km en se cachant honteusement dans le vestiaire, c’est pas si mal pour un Dandy, mais je crois sincèrement qu’il y avait de la place pour faire plus.
Bernard, je te promets les 200 km un jour, avec ou sans moi, tu en as le potentiel, c’est certain. Mais il faudra entre temps, que tu apprennes à tomber le masque.
Demande à Pierrot, à Stéphane, ils te confirmeront qu’il faut savoir se dépouiller pour toucher le sublime.
Merci de m’avoir accordé ta confiance, et de cette expérience enrichissante
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