Je me présente, je m’appelle ...
Je me présente, je m’appelle ...
Une phrase toute bête, qui paraît anodine quand on s’appelle Durand, Martin ou autre Leclerc, mais qui devient nettement plus embarrassante, lorsque vous avez hérité d’un patronyme un peu plus difficile à porter.
Même s’il ne s’agit pas d’une insulte de type Connard, Salope, Cocu, et j’en passe et des moins bonnes, le mien reste d’une délicatesse absolue, et provoque, quoiqu’il arrive, une réaction de la personne en face !!
Un sourire, un fou rire, une moue perplexe, les yeux qui se baissent, une bafouille, bref, une réaction.
Pour ceux qui le découvriraient encore, mon nom de famille est juste une partie anatomique du corps humain à la sauce légèrement argotique.
Oui, depuis un certain 29 octobre 1968, jour de ma naissance, je m’appelle LECUL.
Je vous imagine déjà, vous ouvrez des yeux grands comme ça, vous compatissez « Oh la pauvre !! » « ça n’a pas dû être facile tous les jours », vous souriez aussi, et c’est normal …Je ne vous en veux pas.
Vous n’êtes pas les premiers, et vous ne serez certainement pas les derniers.
Si vous saviez les nombre de fois où l’on ne m’a pas cru, où l’on m’a demandé si cela s’écrivait exactement pareil que... !
Et moi, blasée, je devais toujours confirmer ou affirmer, en articulant proprement ...
L. E. C. U. L.... Oui Madame, tout pareil exactement que le dit postérieur.
Dire qu’à l’origine, ce nom Picard désignait simplement le fond de la vallée, j’aurais tant aimé qu’il en garde cette définition !! Mais le vocabulaire Français et les mœurs ont évolué, et le fond de la vallée s’est transformé en un trou un peu différent !
On a alors basculé d’un joli mot à un gros mot !
Ce genre de nom de famille a un terme qui lui est propre : les noms « malsonnants », tout comme moi, vous deviez connaître les malvoyants, les malentendants, mais les malsonnants, avouez que ce n’est pas très répandu !!
J’ai donc un nom qui sonne mal, et qui peut heurter les oreilles chastes !
Dans la catégorie malsonnants, il y a deux classifications, et, au final, je ne sais pas trop dans laquelle il vaut mieux se trouver :
et
Savoir que l’on fait partie des obscénités procure tout de suite un plaisir immense. (Ok, là, je cache ma joie).
Pour ceux qui se posent la question, non, ma famille paternelle n’a jamais voulu changer de nom, mon grand-père en était très fier, et se mettait en colère à l’idée que l’on puisse le modifier, et renier ainsi nos racines !!
Seul mon cousin Michel, chirurgien dentiste, s’est vu obligé de prendre un autre nom, (avec beaucoup d’humour, on disait toujours que se faire soigner les dents par LECUL, ça ne le faisait pas du tout !!).
Heureusement, quand on naît avec ce genre de nom, on ne se rend pas bien compte immédiatement de la lourde charge à porter.
On vit une enfance normale, heureuse, finalement très peu chahutée par les quolibets ; certes, on devine que c’est un peu vulgaire, mais cela s’arrête là et ne perturbe pas plus que ça le quotidien.
Vient ensuite l’adolescence.
Et là, autant vous le dire, ça se corse dès l’entrée au collège !
Les boutonneux acnéiques aux dents de fer sont implacables sur les jeux de mots ridicules, et savent s’en donner à cœur joie pour rendre encore plus difficile le fait de porter un tel patronyme !
Je me rappelle encore de l’appel en 6e dans cette grande salle polyvalente, où étaient réunis tous les collégiens pour la rentrée scolaire.
Il a suffi que Madame la Proviseure prononce mon nom pour qu’une vagues de rires envahisse la salle, tous ces regards moqueurs posés sur moi qui se disaient, c’est elle qui s’appelle comme ça, on va s’éclater !!
Je n’ai jamais trouvé ce trou de souris où aller me cacher, et, comme dans un cauchemar, je me suis alors levée, chancelante, me dirigeant rouge de honte, vers la file de ma classe.
J’ai compris seulement ce jour-là que je ne m’appelais vraiment pas comme tout le monde.
J’aurais donné tout l’or du monde pour m’appeler Durand !
Ces moqueries ont duré 4 années, j’en ai entendu des vertes et des pas mûres du tout !
Des sottises de gamins que je ne vous raconterai pas, qui n’ont pas grand intérêt.
Les années collège ont été les plus difficiles, mais je me suis fait une carapace en attendant des jours meilleurs.
Ensuite vient la période où on prend tout au second degré, avec humour, où l’on anticipe les vannes ; où l’on rigole enfin de ce nom qui vous colle à la peau.
Oui je m’appelle LECUL et alors ???
Limite on profite de la situation pour faire rire les copains, et le pire c’est que ça marche du tonnerre.
Je me rappelle avoir vu un tag dans le métro où était écrit « Vive Le cul », je m’étais alors dit en souriant que j’étais vraiment super célèbre !!
Mais le moment le plus mémorable a été lors d’un cours d’allemand au lycée.
La nouvelle prof a voulu faire l’appel de la classe, et nous a demandées de nous présenter une par une...La boulette !!
La fille qui me précédait s’appelait Castro (cela ne s’invente pas, on était vernies dans la classe), alors, dans un fou rire collectif, nous avions crié dans un même chœur : ...Fidèle !!
La guerre était déclarée, en 5 minutes, nous avions déjà mis la prof en colère.
Mon tour était alors arrivé.
Droite comme un I, les yeux plantés dans ceux de la prof, pas effrontée mais presque, j’énonçais pour une fois fièrement mon nom : LECUL !
La réponse avait suivi tel un éclair de rage : « DEHORS !!! 2 h de colle !!! »
La prof était certaine que je me foutais d’elle, et m’avait reposé la question.
« Votre nom s’il vous plaît »
J’insistais, puisque tel était mon nom.
Dans une colère folle, elle m’avait ordonné de la suivre dans le bureau du directeur en m’infligeant 4 heures de colle, le tarif avait doublé à cause d’une simple vérité !
Je jubilais et la suivais en m’amusant.
Tout en marchant dans les couloirs, elle avait tenté de me faire la morale en me criant qu’elle détestait les pitres qui faisaient le bazar dans sa classe, et patati et patata...Je l’écoutais, je souriais, elle devait prendre mon attitude pour de la pure provocation !
J’avais surtout hâte de savoir comment elle réagirait face à ma carte d’identité que je lui présenterais...
Nous n’avons pas atteint le bureau du directeur, j’ai écourté la sentence.
Je revois encore sa tête à la lecture de mon nom sur ma carte scolaire, je n’avais pas menti, elle a juste blêmi. Elle s’est alors confondue en excuses, et nous avons fait demi-tour en silence pour retourner dans la classe.
Elle m’a appelée Sandrine pendant toute l’année, n’osant plus jamais prononcer mon nom en public.
Ne-surtout-pas-prononcer- mon nom, était devenu habituel pour les personnes gênées à l’idée de dire une vulgarité.
Un peu comme dans Harry Potter, qui ne doit jamais prononcer Voldemort sous peine de maléfice ou de mauvais sort, mon nom s’étranglait dans la bouche des gens pour ne jamais en sortir, incroyable !!
Cette prof n’a pas été la seule à ne jamais pouvoir m’appeler Lecul.
Lorsque j’ai commencé à travailler, mon chef et mon directeur ne savaient jamais comment me présenter aux visiteurs qui passaient au service comptabilité, qu’ils fussent préfet, inspecteur à la cour des comptes, ou réparateur d’imprimante, quand mon tour était venu , j’étais Sandrine, la fille sans nom.
Notez bien, cela conférait un caractère d’intimité avec mon directeur, et étonnait souvent les interlocuteurs !
Il faut imaginer la scène, nous étions une dizaine dans le service, tous mes collègues avaient droit à Monsieur Untel, Madame trucmuche, et la dernière présentée...Sandrine !
Cela m’a toujours fait sourire de voir à quel point un simple nom pouvait mettre dans l’embarras.
Loin d’être seule au monde à porter un nom malsonnant, j’ai tout de même eu l’honneur de collaborer avec une Madame Elbèze, et un Monsieur Hanusse, un club très fermé au demeurant !
Des anecdotes, j’en aurais des tonnes à vous raconter, mais cela finirait par vous lasser, alors je vais arrêter là
.
Et puis surtout...Je ne m’appelle plus ainsi.
LECUL reste mon nom de jeune fille, et j’ai juste vieilli !
En me mariant, j’ai changé de patronyme, fini l’effet de surprise ou les sourires à l’annonce de mon nom, je suis tombée dans les anonymes, de ceux qui n’ont pas de signification particulière, et qui n’abiment pas les oreilles chastes...
En divorçant, l’avocate a parfaitement compris que je ne reprendrais pas ce nom malsonnant !!
Cela ne m’empêche pas d’avoir encore à le donner pour toutes les démarches administratives, et de m’amuser à guetter encore la réaction des personnes.
Mais je crois bien qu’au fond de moi, je suis tout de même fière de porter un nom pareil. Il est celui des mes ancêtres, et me plaît bien finalement !
Alors maintenant je peux le dire haut et fort...Ne soyez pas choqués, rangez vos oreilles chastes...
Vive Lecul !!!
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