Taz et antithèse
L’idée avait germé, mais qui l’avait semé ? je ne me souviens plus.
Cette idée avait grandi, tranquillement, doucement, arrosée de rêves, d’ambition, de délires et de projets de rencontres.
Cette idée si lointaine, si folle, si saugrenue allait éclore aujourd’hui
3 mois d’entraînements auront suffit pour transformer des doutes en réalité, pour convaincre Sandrine que tours après tours, elle construisait son succès. Que le chrono permet de calibrer une sortie mais n’est pas et ne sera pas une obsession.
Régale toi de tes progrès, savoure chaque foulée, je te promets les 200 derniers mètres les plus euphorisants …
Je ne cherchais pas étayer une thèse quelconque ou tenter une démonstration par l’absurde, mais plus Sandrine s’entraînait, moins je courais
Je prenais plaisir à la regarder, à l’écouter me raconter ses séries, ses sorties, …
J’aimais cet enthousiasme, j’étais admiratif, sous le charme peut-être ?
A trois semaines de l’échéance, mes doutes sont sérieux …
A une semaine, j’en suis maintenant persuadé …
Je ne pourrai pas la suivre sur le marathon : je suis hors de forme, elle est prête.
Je vais garder ce secret pour moi, pour ne pas lui gacher son rêve et tenter de retarder l’inévitable.
La veille du marathon s’est passé comme dans un rêve. Il aurait pu être exceptionnel si nous n’avions pas eu cette fâcheuse impression d’être de trop dans ce restaurant de la banlieue chique de Paris.
Tout fût très vite oublié en squattant l’appartement de Virginie.
Le réveil ne sonna guère longtemps dimanche matin sur les coups de 4 heures. Tout le monde ou presque le surveillait depuis longtemps, et égrenait avec lui le compte à rebours.
Dans une ambiance détendue, et une excitation retenue chacun se préparait à sa façon. Pour se jour exceptionnel, nous avions décidé (Philippe et moi) d’enfiler nos plus beaux costumes.
Il est si tôt et déjà tout le monde est prêt. Nous adaptons alors notre stratégie. Nous pouvons nous garer proche du Trocadéro et profiter du spectacle matinal.
Une ville se réveille et se prépare à accueillir 35 000 coureurs.
Dernier petit café, énième pause pipi, il est grand temps de rejoindre le point de rendez vous.
Ce sont les retrouvailles, les premières rencontres, les premières larmes, les premières angoisses, …
Heureusement Philippe est à l’animation et la mode est au « chti biloute ».
8h30 c’est l’heure du sas, (merci au bagnard pour le dossard, sésame presque indispensable pour entrer). L’ambiance y est festive, les blagues fusent, chacun essaye de détendre l’atmosphère chargée de doutes, d’oublier les 42,195 km qui nous attendent.
Un premier soubresaut, puis un second, la marée humaine est enfin en marche. A pas lents et prudents, les futurs coureurs prennent la direction de l’arche de départ. Le franchir libéra définitivement cette foule.
Dernier encouragements, réconforts …
La foule de coureurs s’étire doucement, inlassablement les coureurs prennent leur rythme de croisière. Ce sera 7mn au kilomètre pour nous dans un premier temps, puis 6’30’’, puis 6’30’’, et encore 6’30’’ jusqu’à plus soif …
Des allures se calent, des rencontres s’improvisent, des groupes se forment, Lydie nous a rejoint, elle nous accompagnera un long moment.
Le spectacle est partout. Coureurs, supporters, musique et couleurs…
Les monuments défilent sous nos yeux, les kilomètres aussi.
Sandrine est souriante et facile, Je donne le change mais le costume est une étuve (Philippe n’en pense pas moins). L’affaire se complique
Déjà Vincennes, puis direction la première étape et le premier verdict rassurant : 2h24 au semi !!
C’est la bonne cadence, la bonne allure. Les filles sont heureuses et euphoriques, l’allure s’en ressent immédiatement. 2 à 3 kilomètres à une allure un peu folle, elles sont intenables et je me noie doucement.
Je sais que le couperet va tomber et je dois l’annoncer à Sandrine.
Pas de fromage, ni dessert, juste l’approche d’un ravitaillement pour lui expliquer, que si je veux l’accompagner dans les moments difficiles, je dois penser à zapper le parcours dès maintenant.
Rendez vous dans 5 kilomètres, au Trocadéro
S’en suit une course poursuite dans les couloirs du métro … j’ai chaud, j’ai froid, j’ai les jambes tétanisées, le métro est bondé, je récupère à peine mais aussi étrange que cela peut-être, emprunter les escaliers me fait du bien
Une seule obsession : la rejoindre le plus vite possible sur le parcours.
Je la raterai d’un rien au ravitaillement du 30ème, et c’est au profit d’une pause naturelle que je peux rejoindre le groupe.
(Merci Mathias et Philippe d’avoir veiller sur elle)
Je vais mieux enfin je le crois.
Le groupe est facile. Sandrine est à l’aise, son sourire toujours accroché à ses lèvres, et mène une allure inchangée à mon grand regret.
A l’approche du stade Roland Garos, l’émotion m’envahit.
J’ai mal, mais je sais que Philippe et Sandrine vont aller au bout. Ce ne sont pas ces 7 derniers kilomètres qui vont les arrêter.
C’est tout simplement génial, je suis heureux de sa réussite et de cette facilité affichée.
Je zappe une dernière fois une partie du tracé, pour me placer au 40ème kilomètre et attendre avec inquiétude leur approche.
L’attente est un supplice. Je regrette amèrement de ne pouvoir pas être à ses cotés. J’ai l’air malin moi, le pseudo coach donneur de leçons, à s’inquiéter de l’arrivée de sa protégée, tout cela par manque d’entraînement.
C’est pas toi, qui disait « un marathon ça se mérite, il faut s’entraîner sérieusement » ?
Bien joué !! tu peux être fier de toi, pauvre c… !!!
Enfin les voilà, les deux derniers kilomètres seront une formalité (ou presque) les pieds sur la ligne bleue, la ligne idéale celle qui même au panthéon …
Voilà ton jour de gloire, tu es marathonienne et de la plus belle des manières.
Je suis très fier de toi et de ce que tu as réalisé.
Je t’embrasse, nous nous embrassons, Lutin immortalise cet instant (Quel bonheur de le rencontrer ici)
4H56 et des poussières en plus ou en moins. Ce n’est pas très important, il est ailleurs.
Cette idée est aujourd’hui certainement l’une des plus belles fleurs de son jardin.
Merci à toutes et tous de vos encouragements sans faille (je ne citerai personne aux risques d’en oublier)
Désolé de mon silence téléphonique en fin de parcours, mais mon appareil a surchauffé et a tranquillement rendu l’âme comme son propriétaire
Domi
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